samedi 27 février 2010

Chine. L'arme secrète


Marianne, no. 671
Repères Monde, samedi, 27 février 2010, p. 52


Nouvelles du front C'est le secret le moins bien gardé de Pékin : via son " Département de logistique générale ", l'Armée populaire de libération distribue à tous ses officiers supérieurs des petites boîtes de Wan Aike, le Viagra chinois. L'armée taïwanaise n'a qu'à bien se tenir.

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Hu Jintao a son blog


Marianne, no. 671
Les pieds dans le plat !, samedi, 27 février 2010, p. 14


Hu Jintao, le président chinois, se lance sur la Toile. L'homme fort de la Chine a ouvert un compte sur une plate-forme de microblogs. L'avantage, c'est qu'il pourra à la fois donner l'information et la censurer lui-même.

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vendredi 26 février 2010

Google séduit la science chinoise - Stéphane Foucart

Le Monde
Horizons, samedi, 27 février 2010, p. 17


Dans la lutte qui l'oppose aux autorités chinoises, Google bénéficie d'un allié puissant, au sein même de l'empire du Milieu : la communauté scientifique. C'est, en substance, ce que révèlent les résultats d'une enquête de la revue britannique Nature, menée auprès de 784 scientifiques chinois et publiée jeudi 25 février. Ces travaux pourraient peser dans l'issue de la crise, ouverte le 12 janvier, entre la Chine et le moteur de recherche américain, les responsables de ce dernier ayant menacé de plier bagage devant les contraintes de censure et de filtrage des contenus imposées par Pékin.

Car si Google n'est pas l'outil de recherche préféré des quelque 380 millions d'internautes chinois - qui utilisent plutôt Baidu - sa domination est écrasante dans la communauté scientifique locale. Or la Chine mise énormément sur l'enseignement supérieur et la recherche; la fonction de chercheur y est beaucoup plus valorisée qu'en Europe par exemple.

Environ 48 % des chercheurs interrogés disent en effet que leurs travaux seraient " significativement " entravés par l'absence d'accès à Google. 36 % estiment qu'ils seraient " quelque peu " entravés. De plus, près de 78 % des scientifiques sollicités jugent que la défection du moteur de recherche américain aurait un impact négatif sur leurs collaborations internationales " présentes et futures ".

L'un des sondés, écologue à l'université de Nankin, va même jusqu'à déclarer que " la recherche sans Google, ce serait comme la vie sans électricité ". D'autres se montrent plus mesurés et disent pouvoir se passer des services de l'entreprise de Mountain View (Californie).

Les fonctions de Google les plus utilisées dans le monde académique chinois sont, selon les résultats de ces travaux, le moteur de recherche classique, juste devant Google Scholar.

Lancé en 2004, Google Scholar indexe l'ensemble de la littérature scientifique - c'est-à-dire les revues savantes comme Nature, Science, Geophysical Research Letters, Cell, etc. Google Scholar permet, dans des universités jeunes et encore largement dépourvues de grandes bibliothèques, d'offrir aux chercheurs un accès aux travaux les plus récents. Accès sans lequel toute activité de recherche est compromise.

Sans surprise, les chercheurs chinois disent ainsi recourir principalement au moteur de recherche américain pour trouver des articles scientifiques, des articles d'actualité mais aussi des informations sur les conférences internationales ou, simplement, trouver des données scientifiques stockées sur les serveurs des universités et des centres de recherche européens et américains.

" Google a peu d'avantages sur Baidu dans ses algorithmes de recherche des contenus en langue chinoise, commente, dans Nature, Guo Lang, chercheur en sciences sociales à l'Académie des sciences sociales de Pékin et spécialiste des usages de l'Internet. Mais il est beaucoup moins performant pour ceux qui font des recherches en anglais sur des contenus hébergés hors de Chine. " Recoupant les conclusions de l'étude menée par Nature, les travaux de M. Guo montrent ainsi que Baidu est très populaire chez les catégories de la population à haut niveau de formation et d'éducation. De fait, seuls 17 % des chercheurs interrogés par Nature utilisent Baidu comme premier moteur de recherche.

Google Scholar permet aussi, dans une certaine mesure, l'accès gratuit à certains travaux de recherche qu'il fallait, auparavant, payer à grand prix aux grands éditeurs scientifiques - Elsevier, Springer et de nombreuses sociétés savantes. Cet aspect, non exploré par l'enquête de Nature, pourrait aussi inciter la Chine, dans l'intérêt de ses chercheurs, à composer avec Google.

Pour comprendre, il faut savoir que les chercheurs abandonnent leurs droits d'auteur aux revues qui acceptent de publier leurs travaux. Ce sont donc les éditeurs qui tirent les bénéfices de la diffusion des comptes rendus de recherche. Les chercheurs conservent néanmoins le droit de publier les " preprints " (version souvent très proche du texte finalement publié) de leurs articles sur les serveurs de leur institution - université, centre de recherche, etc.

La puissance d'indexation de Google a permis de rassembler ces millions de " preprints " épars en une manière de bibliothèque virtuelle. Lorsque la recherche d'un article de recherche est lancée sur Google Scholar, un lien est proposé vers l'éditeur (qui vend le contenu) et, lorsqu'il existe, vers le " preprint " associé (en consultation gratuite). " Pour l'heure, cette pratique des "preprints" est encore relativement marginale, tempère le géophysicien Francis Albarède (ENS-Lyon), président du Comité des publications de l'American Geophysical Union (AGU), société savante qui édite une quinzaine de revues. Nous connaissons d'ailleurs des recettes stables sur le secteur de l'édition. "

Combien les institutions scientifiques chinoises " économisent "-elles ainsi grâce à Google ? Impossible de le savoir. L'issue de la crise en cours sera peut être un indice.

Stéphane Foucart

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La Chine surestimerait-elle ses atouts ? - Chris Patten

Le Temps
Eclairages, vendredi, 26 février 2010


Chris Patten, ancien et dernier gouverneur de Hong Kong.

Il y a un an, de nombreux observateurs prédisaient un règne mondial partagé entre les Etats-Unis et la Chine. Or, ce G2 devient de moins en moins plausible: Pékin a commis des erreurs tant sur le plan économique que politique.

Vous vous souvenez du G2? L'an dernier, du fait des difficultés financières des Etats-Unis (et de ses complications à l'étranger) et de l'ascension économique de la Chine, beaucoup ont envisagé l'émergence d'un règne mondial partagé entre ces deux pays. Par nécessité, le G8 s'est mué en G20, qui, à chaque étape importante, remisait ses objectifs: les Etats-Unis et la Chine allaient prendre les choses en main.

Cette idée était un reflet trop simplifié de la réalité mondiale. C'était faire fi des puissances émergentes comme le Brésil ou l'Inde. C'était amplifier les faiblesses des Etats-Unis - qui restent la seule superpuissance au monde. Cette idée avait aussi des relents de l'amertume de l'Union européenne qui a compris que son incapacité à se mettre en état de marche sur des questions délicates allait résolument la mettre sur la touche. N'oublions pas que, lors de la conférence sur le climat à Copenhague en décembre dernier, une sorte d'accord a été bricolé par les Etats-Unis et les économies émergentes au détriment de l'UE, quand bien même les propositions les plus sophistiquées pour traiter les changements climatiques venaient de l'Europe.

L'idée du G2 était néanmoins assez crédible pour être mise sur pied. Lors de sa première visite en Chine en novembre dernier, le président Barack Obama a accepté le rôle du courtisan docile à la cour de l'empereur. Il a ainsi donné l'impression de renforcer les liens entre la grande puissance d'au­jourd'hui et celle de demain.

Mais c'était l'an dernier. Aujourd'hui, la donne a changé et l'idée semble bien moins plausible. Pourquoi l'idée du G2 est-elle devenue si fantaisiste si rapidement?

Tout d'abord, la faible reprise économique aux Etats-Unis et en Europe, assortie d'un taux de chômage élevé, met en lumière la montée en flèche des exportations chinoises et les barrières (non douanières) que les personnes désireuses d'importer en Chine rencontrent. Difficile de trouver aujourd'hui des membres du Congrès américain qui n'attribuent pas certains des problèmes de leur pays, notamment l'évidement de la classe moyenne, à la Chine qui aurait manipulé sa devise.

La Chine peut bien faire remarquer la quantité de bons du Trésor américain qu'elle a achetés, aidant ainsi les Etats-Unis à supporter leur déficit fiscal. (Devinez alors ce que signifie aujourd'hui la décision chinoise de vendre une partie de ses bons.) Ils se plaignent d'être injustement accusés des déséquilibres économiques mondiaux.

Mais la Chine doit fournir des explications sur un point. Les critiques pensent que fixer sa monnaie au-dessous de sa valeur réelle était une stratégie délibérée pour maintenir son rythme de croissance, évitant ainsi les problèmes liés à un taux de chômage élevé dans un système dépourvu de moyens institutionnalisés permettant au peuple d'exprimer ses griefs. Si la question n'est pas traitée rapidement, le protectionnisme gagnera inexorablement les Etats-Unis et l'Europe. A ce propos, les avocats de la loi du talion ont été jusqu'à trouver des citations d'Adam Smith pour leur cause.

Autre point pouvant éventuellement anéantir le G2 avant qu'il ne prenne forme: l'ampleur de l'autoritarisme de la Chine sur la libre circulation de l'information. Le différend entre Google et la Chine et les cyber-attaques dont les Etats-Unis se plaignent d'être la cible rappellent au monde extérieur, ainsi qu'aux médias et élites politiques, les différences de valeur qui demeurent entre les deux pays.

Au moment où les autorités chinoises semblent traiter la dissidence avec plus de sévérité, la situation est d'autant plus délicate. Liu Xiaobo, activiste des droits de l'homme, vient juste d'être placé en détention pour onze ans, ce qui a suscité les foudres de la communauté internationale. John Kamm, militant vétéran pour la libération des détenus politiques, avance que les autorités chinoises ont atteint un «point de non-retour» et qu'«elles devront s'efforcer d'avoir une politique moins sévère».

Le résultat de la conférence sur le climat à Copenhague est une troisième source d'inquiétude. La Chine a été accusée d'empêcher un accord plus ambitieux, notamment en raison de sa réticence à faire surveiller de manière externe les objectifs fixés, usant de l'exercice de sa souveraineté avec toute l'indignation vertueuse que le monde était habitué à entendre de la part du président américain George W. Bush. Il se peut que la critique soit injuste. Mais il était certainement mal avisé de permettre à un jeune délégué de s'en prendre à Obama et de le pointer du doigt lors d'une des réunions cruciales de Copenhague. Les Américains aussi, les représentants chinois devraient s'en souvenir, ont une «face» qu'ils ne souhaitent pas perdre.

D'aucuns pensent que le quatrième obstacle à la formation d'un G2 est la vente d'armes à Taïwan et la visite du dalaï-lama à Washington. Je n'en suis pas si convaincu. Ces questions sont assez ritualistes, et les représentants chinois sont assez intelligents pour savoir que, étant donné le comportement du gouvernement chinois, Obama n'avait pas d'alternative aux décisions qu'il a prises.

Une autre question bien plus inquiétante va se jouer tantôt. Comment la Chine réagira-t-elle en cas d'introduction de sanctions plus sévères envers l'Iran si aucun progrès n'est fait pour l'empêcher de développer des armes nucléaires? Si la Chine bloque les actions du Conseil de sécurité des Nations unies, les relations avec les Etats-Unis parviendront à un point auquel toute négociation entre les deux grands sera risible.

Deng Xiaoping, l'architecte de l'ascension économique de la Chine, préconisait à ses collègues de faire évoluer rapidement leurs relations avec le reste du monde. Il donnait ce conseil: «Dissimulez votre intelligence, attendez le bon moment.» En tant que personne qui voit l'ascension de la Chine comme une bonne chose pour le monde, j'espère que le sage conseil de Deng sera écouté par les officiels chinois qui ont l'air de penser que c'est le bon moment pour trépigner.

Traduction: Aude Fondard© Project Syndicate

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jeudi 25 février 2010

Le Congrès étudie les achats de titres du Trésor américain par la Chine - Richard Hiault

Les Echos, no. 20624
International, vendredi, 26 février 2010, p. 6


Bilatéral

La Commission économique et de sécurité Etats-Unis - Chine a convié plusieurs experts pour les interroger sur les achats de titres émis par le Trésor par les investisseurs chinois.

Sans doute inquiet des récentes statistiques publiées par le Trésor américain révélant des ventes de titres du Trésor américain par le gouvernement chinois depuis le mois de juillet dernier, les parlementaires américains cherchent à comprendre. A cet égard, la Commission économique et de sécurité Etats-Unis-Chine, une entité créée en 2000 pour enquêter au profit du pouvoir législatif sur les relations entre les deux pays, a invité, hier, cinq économistes, un financier et un parlementaire, le républicain Frank Wolf, à témoigner devant elle. Parmi eux figure l'ancien économiste en chef du Fonds monétaire international, Simon Johnson.

Les spéculations vont bon train aux Etats-Unis depuis que le 16 février a été annoncée la plus forte baisse des avoirs chinois (publics et privés) en bons du Trésor depuis 2000 : en décembre, ceux-ci ont fondu de 4,3 % à 768,8 milliards de dollars. Mais, en l'absence de représentants du gouvernement, la Commission ne devrait pas obtenir beaucoup de détails sur ce que sait le département du Trésor et la Réserve fédérale quant aux raisons de cette baisse.

Face au coup de boutoir de la Chine qui plaide aux côtés de la Russie et du Brésil notamment pour un rôle moins important du billet vert en tant que monnaie de réserve internationale, les élus américains veulent comprendre. D'autant plus que la baisse des avoirs chinois a été longuement commentée dans la presse américaine, à un moment où les autorités chinoises ont haussé le ton vis-à-vis des Etats-Unis suite aux ventes d'armes à Taiwan et à la réception du dalaï-lama à la Maison-Blanche. « La vérité est que ces chiffres fluctuent et qu'il y a une large palette de détenteurs de dette du Trésor », a simplement déclaré le 18 février dernier le conseiller économique du président Barack Obama, Lawrence Summers, sur la chaîne CNBC. En outre, si l'on prend en compte l'évolution des avoirs de réserves de Hong Kong détenus en dollar, la Chine a continué d'augmenter ses positions sur le marché de la dette américaine.

« Enchérisseurs indirects »

Néanmoins, ces derniers jours, plusieurs mouvements inhabituels sont intervenus. Mardi, une adjudication habituelle de bons du Trésor à échéance quatre semaines a donné lieu à un événement inédit : la demande d' « enchérisseurs indirects » (donc étrangers) a été satisfaite à 100 % pour la première fois depuis avril 2008. Ces acheteurs privés ou publics, dont des banques centrales, ont proposé de loin les prix les plus élevés, avec un rendement allant jusqu'à 0 %. Le même jour, ces investisseurs ont pris 54 % d'une émission de 44 milliards de dollars à deux ans, la part « la plus élevée depuis juin 2009 » pour ce genre de bons, ont relevé les analystes de Barclays interrogé par l'AFP. « Tant que la Chine voudra exporter vers les Etats-Unis, elle nous renverra les dollars » accumulés avec les excédents commerciaux, considère Howard Simons, stratégiste chez Bianco Research. Les achats de titres du Trésor par la Chine ont encore de beaux jours devant eux.

R. H.

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La Chine renforce son influence au sein du FMI - Richard Hiault - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20623
International, jeudi, 25 février 2010, p. 7


Asie

Le directeur général du FMI souhaite s'adjoindre le gouverneur adjoint de la banque centrale chinoise comme conseiller spécial.

L'arrivée d'un Chinois dans les hautes sphères du Fonds monétaire international (FMI) était régulièrement évoquée depuis plusieurs mois. Hier, l'institution multilatérale a levé le voile, indiquant le souhait de son directeur général, Dominique Strauss-Kahn, de nommer comme « conseiller spécial » le vice-gouverneur de la banque centrale chinoise, Zhu Min. Ce dernier « devrait assumer cette responsabilité à partir du 3 mai », a révélé le Fonds.

Dans un univers chinois très bureaucratique et politisé, Zhu Min est toujours apparu comme une personnalité indépendante, très appréciée des banquiers étrangers. Parlant parfaitement anglais, après des années d'études à Princeton, à la Johns Hopkins University et un passage de six années à la Banque mondiale, l'écononomiste a tissé, pendant ses années à la Bank of China, des liens privilégiés avec les cadres des grandes institutions et des banques occidentales. Stephen Roach, le président de Morgan Stanley en Asie, parle de lui comme d'un « ami ». En France, il a été l'un des principaux architectes du rapprochement entre Bank of China et la LCF Edmond de Rothschild. Reconnaissant la force de son réseau et de son influence, le gouvernement chinois l'avait nommé en octobre dernier vice-gouverneur de la banque centrale, convaincu qu'il serait bientôt appelé à faire entendre la voix de la Chine au FMI. De son côté, Dominique Strauss-Kahn a estimé qu'il jouerait « un rôle important (...) pour faire face aux défis auxquels seront confrontés nos Etats membres du monde entier lors de la période à venir, et pour renforcer la compréhension par le Fonds de l'Asie et des marchés émergents plus généralement ».

RICHARD HIAULT ET Y. R. (À PÉKIN)

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Pékin multiplie les initiatives pour limiter l'explosion du crédit - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20623
International, jeudi, 25 février 2010, p. 7


Chine

Hier, la Commission de régulation bancaire a ordonné aux banques de limiter leurs crédits aux collectivités locales et développeurs immobiliers, deux des grands acteurs de la relance chinoise qui sont accusés d'être responsables de la récente explosion des volumes de prêts dans le pays.

Sans jamais formuler une quelconque remise en cause de sa politique de relance, le gouvernement chinois continue de multiplier les initiatives pour tenter de limiter l'explosion du crédit et de contenir une éventuelle surchauffe dans plusieurs secteurs de son économie. Après avoir déjà validé, depuis le début de l'année, deux hausses des ratios de réserves obligatoires, la Commission de régulation bancaire (CBRC) a annoncé, hier, aux banques commerciales du pays qu'elles allaient désormais devoir freiner leurs crédits aux structures de financement des gouvernements locaux et aux développeurs immobiliers, deux des grands acteurs de la relance chinoise qui sont accusés d'être responsables de la récente explosion des volumes de prêts dans le pays.

Créances douteuses

Pour compenser la baisse d'activité de ses exportateurs, la Chine a déroulé, l'an dernier, un colossal programme de dépenses publiques et ordonné à ses banques de se montrer généreuses. Sur l'ensemble de 2009, les banques du pays ont ainsi débloqué 9.600 milliards de yuans (1.400 milliards de dollars). Si la majorité de ces fonds a été employée par les entreprises d'Etat pour développer leurs activités et par les collectivités locales pour financer des grands travaux demandés par Pékin, une large partie a été illégalement investie en Bourse ou placée dans des opérations immobilières qui font craindre aux autorités centrales une prochaine explosion des créances douteuses. Soucieux d'enrayer ce phénomène, le régulateur bancaire dit vouloir mieux contrôler les prêts alloués aux collectivités locales, qui, n'ayant pas le droit d'emprunter directement, négocient avec les banques de leurs villes de généreux prêts par le biais de véhicules d'investissement -il en existerait plus de 3.000 dans le pays. Dorénavant, a ordonné la CBRC, les prêts à ces structures parallèles seront interdits s'ils ne sont garantis que sur des estimations de recettes fiscales futures. Selon les calculs de l'économiste Shi Lei, de Bank of China, ces restrictions pourraient réduire, sur l'année 2010, d'un tiers les crédits aux gouvernements locaux, qui avaient capté l'an dernier 40 % de tous les nouveaux crédits validés dans le pays.

Autre sources de financement

Conscients que ces nouvelles limitations vont ulcérer les collectivités locales et les inciter à trouver d'autres sources de financement, Pékin a parallèlement demandé à ses banques d'Etat de ne plus valider de crédits destinés à l'achat de terrains par les développeurs immobiliers, qui assurent traditionnellement une large partie des revenus des gouvernements locaux. En l'absence de propriété privée de la terre, les collectivités contrôlent, en effet, le droit d'usage des terrains qu'ils vendent au prix fort aux groupes immobiliers. L'an dernier, ces ventes auraient représenté plus du tiers des revenus des collectivités locales qui alimentent, indirectement, par ces fructueuses opérations, la poussée du prix de l'immobilier, très mal vécue par l'opinion publique.

Note(s) :

DE NOTRE CORRESPONDANT À PEKIN.

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La Chine est décidée à s'attaquer au faux cognac - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20623
Industrie, jeudi, 25 février 2010, p. 17


Agroalimentaire

Les grandes maisons saluent la reconnaissance par la Chine de l'indication géographique « Cognac ». Elle doit permettre de renforcer la lutte contre la contrefaçon sur un marché chinois devenu le deuxième plus important au monde.

Après plusieurs années d'intense lobbying, les grandes maisons du cognac et les diplomates français ont pu se réunir mardi soir à Pékin pour célébrer la reconnaissance par la Chine de l'indication géographique « Cognac ». Les producteurs tels que Hennessy, Rémy-Martin ou Martell notent avec satisfaction que leur eau-de-vie est le premier produit étranger à bénéficier officiellement de cette reconnaissance dans le droit chinois. Ils espèrent surtout que cette évolution juridique va leur permettre de renforcer la lutte contre la contrefaçon sur un marché chinois désormais présenté comme le deuxième plus important au monde pour la profession, juste derrière les Etats-Unis.

Malgré un léger recul sur l'ensemble de 2009, les ventes locales de cognac ont retrouvé depuis quelques mois un fort dynamisme avec le rebond de la croissance. « Tous les indicateurs sont de nouveau au vert », assure Jérôme Durand, du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). Selon ses calculs cumulant les entrées directes de Cognac sur le territoire chinois ainsi que celles organisées par le biais de distributeurs basés à Singapour, le marché chinois absorbe désormais 20 % des ventes annuelles. « Cela représente 26 millions de bouteilles par an et environ 300 millions d'euros de chiffre d'affaires », résume Bernard Guionnet, le président du BNIC.

Contrefaçon professionnalisée

Anticipant une poussée constante de leurs ventes en Chine, les producteurs tentent d'enrayer le développement d'une contrefaçon qui s'est considérablement professionnalisée. Quelques entreprises chinoises continuent d'appliquer de manière artisanale des étiquettes « Cognac » sur des alcools de mauvaise qualité vendus dans des petites échoppes de province. Mais les grandes maisons se méfient surtout des « recycleurs », qui achètent des stocks de bouteilles vides à la sortie des boîtes de nuit et des restaurants avant de les re-remplir de faux cognac et de les remettre dans les circuits de vente. Pour contrer ce trafic, Pernod Ricard a mis au point des bouchons empêchant le remplissage. Rémy Martin travaille, lui, sur un système de codes permettant d'identifier chaque flacon.

Avec la nouvelle reconnaissance « d'indication géographique », qui lie un produit à son territoire et permet de fixer dans le droit ses grandes caractéristiques, les fabricants français espèrent pouvoir plus activement impliquer l'Etat chinois dans leur combat contre les copies. « Avant, les entreprises géraient seules des attaques contre leurs marques. Désormais, c'est le produit lui-même qui pourra être défendu et les groupes pourront mobiliser les autorités qui ont intégré la défense du cognac à leur propre législation sur la propriété intellectuelle », détaille Marie-Lise Molinier, la conseillère agricole auprès de l'ambassade de France en Chine. « Dès cette année, nous allons multiplier les campagnes contre les faux cognac », a promis avec enthousiasme mardi Wu Xiaoming un cadre du Sipo, l'Office national de la propriété intellectuelle, aux grands producteurs, un peu plus sceptiques.

Note(s) :

DE NOTRE CORRESPONDANT À PEKIN.

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mercredi 24 février 2010

Le yuan a connu sa plus forte hausse par rapport au dollar depuis un an - Alain Faujas

Le Monde
Economie, mercredi, 24 février 2010, p. 13


ECONOMIE

Finance

Alain Faujas (avec Bloomberg)

Le yuan, la monnaie chinoise, a terminé à 6,8265 yuans pour 1 dollar, lundi 22 février. Cette hausse de près de 0,1 % par rapport à son cours de la veille est la plus importante depuis un an pour une monnaie dont les fluctuations ne peuvent dépasser 0,5 % de hausse comme de baisse par rapport au taux de change fixé par les autorités. Si cette appréciation se poursuivait, elle signifierait qu'après la hausse du coût du crédit et des réserves obligataires des banques, Pékin a décidé de jouer sur la monnaie pour éloigner les risques de surchauffe et de « bulles » spéculatives. Certains analystes jugent, au contraire, que la Chine ne prendra pas le risque de compromettre la reprise et conservera sa monnaie au cours actuel.

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Peine de mort, l'abolition progresse -Sylvain Dulac


La Croix, no. 38597
Evénement, mercredi, 24 février 2010, p. 2


En Chine, le consensus se fissure lentement.
Le pays dont la justice prononce le plus de condamnations à mort montre des signes de changement, malgré les travers du système . Pékin, de notre correspondant

«Je me souviens d'une femme qui avait assassiné son mari parce qu'il la battait et la violait. Elle avait été condamnée à mort et voyait son enfant pour la dernière fois. Lorsqu'ils se sont dit adieu en s'embrassant, ce fut comme si mes entrailles se déchiraient... » De telles scènes, Shuqi Zhang en a trop connu lorsqu'elle était employée de prison. Aussi, en 1996, elle a fondé le premier « Village du soleil », un centre d'accueil pour enfants de condamnés à mort ou de prisonniers aux longues peines.

Depuis, cette « seconde famille » a aidé « 4 000 jeunes profondément marqués par la disparition ou l'enfermement de leurs parents », assure Shuqi Zhang. Cette grand-mère de 60 ans, confrontée directement à l'aspect « inhumain de la peine de mort », déclare pourtant ne pas y être opposée. « Parce qu'elle peut dissuader beaucoup de gens de commettre des crimes. »

Pour le gouvernement, cette fonction dissuasive « sert avant tout un dessein politique », affirme Aurélie Plaçais, chargée des campagnes de la Coalition mondiale contre la peine de mort à Paris. Si le Parti communiste chinois maintient les exécutions massives, c'est pour « rappeler à tous ceux qu'il considère comme une menace : "C'est nous qui avons les fusils" », renchérit la sinologue Marie Holzman en rappelant que « la terreur est consubstantielle à la dictature ».

Ancien agent de la police criminelle devenu avocat, il y a dix ans, pour aider les accusés qui risquent la peine de mort, « parce que, dans cette situation, ils sont impuissants et que presque personne n'accepte de les défendre », le pénaliste Sun Zhongwei souligne pour sa part l'usage cathartique de la peine de mort en Chine : « Elle est employée pour canaliser la haine publique. » Ce fut le cas dans le procès des émeutiers des affrontements interethniques de juillet dernier au Xinjiang, après lesquels la population exigeait des sanctions sévères.

Il dépeint un système judiciaire sous influence. « Les familles de victimes exercent parfois une forte pression sur le juge pour qu'il prononce la peine capitale. » Outre sa plaidoirie, Sun Zhongwei doit donc négocier un « accord » avec l'accusation. Il mentionne le cas d'une dame très pauvre dont la fille avait été assassinée. « Son seul objectif était l'exécution de mon client. Au second appel, j'ai payé ses frais d'avocat et je lui ai proposé des dommages et intérêts pour qu'elle cesse de réclamer la peine de mort. Elle a finalement accepté, et le juge a commué la première condamnation en peine de prison. »

Ce singulier fonctionnement de la justice cacherait des dérives autrement plus néfastes. « Le système de révision du procès permet aux juges de toucher des pots-de-vin versés par les accusés assez riches pour acheter leur propre survie », rapporte Marie Holzman en s'appuyant sur les témoignages concordants de plusieurs avocats.

Dans l'exercice de son métier, Sun Zhongwei subit « une forte pression. Notamment pendant les appels, parce qu'alors mon adversaire, c'est le système lui-même. Et ce système bafoue souvent les droits de la défense. » Encore plus difficile à supporter : l'opinion de sa propre famille, qui « ne comprend pas pourquoi (il) défend des criminels. C'est que, pour beaucoup de Chinois, la peine de mort est une sanction tout à fait raisonnable. Si quelqu'un a tué un innocent, il doit le payer de sa vie », explique-t-il. Aurélie Plaçais confirme : l'opinion publique chinoise est « très majoritairement favorable à la peine capitale ».

Pourtant, la situation commence à évoluer. Marie Holzman relève que « depuis dix ans, plusieurs affaires judiciaires ont profondément ébranlé le consensus en faveur de la peine de mort » : des exécutions très médiatisées de personnes qui avaient été victimes de graves injustices sociales et qui, en réaction, avaient commis des assassinats. « Les opprimés de Chine se sont alors identifiés à eux, et ont compris que la peine de mort était un outil dans les mains des plus mauvais. » Et même si « la censure tend à neutraliser ces sursauts, la conscience qu'ont les Chinois de leurs droits progresse ».

Les statistiques prouvent une moins grande sévérité des tribunaux. Selon les évaluations établies par les ONG internationales, le nombre d'exécutions baisserait sensiblement depuis quelques années. « Alors qu'il y avait environ 10 000 exécutions par an au début des années 2000, on les évalue à 5 000 ou 6 000 aujourd'hui », indique Aurélie Plaçais.

Par ailleurs, le système judiciaire a été amendé sur plusieurs points. Par exemple, depuis 2007, le second jugement en appel est prononcé par la Cour suprême de Pékin, de manière à éviter que les décisions rendues ne soient trop influencées par les enjeux locaux. À cette occasion, le gouvernement a affirmé que « les droits de la défense doivent être respectés » et que la peine de mort ne « devrait être appliquée que dans les cas les plus graves ».

Pourtant, selon Aurélie Plaçais, ces déclarations servent surtout à « donner une image positive au niveau international ». Marie Holzman est encore plus virulente : « On entend les chiffres de - 10 % ou - 15 %. Mais par rapport à quoi ? Comptabilise-t-on les bavures, ou les prisonniers qu'on laisse mourir dans une cellule ? De fait, on assiste à une mafiaïsation du système, qui tolère davantage d'exécutions extrajudiciaires afin de réduire la partie visible. »

Quoi qu'il en soit, la réflexion sur la peine de mort, lancée depuis longtemps par les intellectuels chinois, fait lentement son chemin, « même au sein de certaines mouvances du Parti », s'accordent à dire Sun Zhongwei et Marie Holzman. Et la sinologue de conclure : même si cette évolution est freinée par « certains ultranationalistes qui s'arc-boutent sur un modèle rigide qui, selon eux, a fait ses preuves, nous arrivons à un moment charnière de l'histoire ».

© 2010 la Croix. Tous droits réservés.

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Pékin appelle Washington à faire un geste d'apaisement - Gabriel Gresillon

Les Echos, no. 20622
Dernière, mercredi, 24 février 2010, p. 14


En Bref

La Chine a appelé hier les Etats-Unis à « réparer les dommages » infligés aux relations bilatérales par la rencontre la semaine dernière entre le président américain Barack Obama et le dalaï-lama, le chef spirituel des bouddhistes tibétains. « La Chine demande à la partie américaine de prendre sérieusement en compte sa position, de prendre des mesures crédibles pour réparer les dommages et des mesures concrètes pour soutenir un développement sain des relations sino-américaines », a déclaré lors d'un point presse le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Qin Gang. Malgré les mises en garde répétées de Pékin et alors que les relations bilatérales sont déjà tendues, Barack Obama a reçu pendant près d'une heure jeudi à la Maison-Blanche le dalaï-lama, qui vit en exil depuis 1959. La Chine a aussitôt averti que la rencontre portait « gravement préjudice » aux relations bilatérales, demandant déjà à Washington de « prendre des mesures immédiates pour gommer l'impact négatif » de cette rencontre, sans préciser lesquelles. Les autorités chinoises s'opposent systématiquement à ce que le dalaï-lama soit reçu par des dirigeants étrangers. Pour les ménager, les autorités américaines avaient organisé l'arrivée à la Maison-Blanche du dirigeant bouddhiste en toute discrétion, hors du champ des caméras.

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China Unicom s'intéresse à la privatisation du géant des télécoms nigérian - Yann Rousseau


Les Echos, no. 20622
Technologies de l'information, mercredi, 24 février 2010, p. 22
Le numéro deux des télécoms chinois reconnaît envisager un investissement dans le groupe public Nitel, qui espère céder 75 % de son capital pour 2,5 milliards de dollars. Les analystes s'interrogent sur la pertinence de l'opération.

Après plusieurs jours de communication confuse, le géant public chinois China Unicom a reconnu, hier, du bout des lèvres qu'il s'intéressait au processus de privatisation de Nitel, l'ancien monopole d'Etat des télécoms du Nigeria. Bousculé par les rumeurs de presse et de marché, le groupe d'Etat, peu habitué aux exigences de transparence liées aux opérations à l'international, avait pendant près d'une semaine nié toute participation à l'opération avant d'expliquer finalement hier que sa filiale européenne, basée à Londres, avait bien été en contact avec les candidats au rachat de Nitel.

Une « aventure africaine » ?

Dans un communiqué diffusé à Hong Kong, China Unicom, qui exploite des réseaux de téléphonie mobile et fixe en Chine, a indiqué qu'il n'avait pas encore lancé de « négociations formelles » ni signé « d'engagements juridiques contraignants » avec les différents acteurs de la privatisation mais qu'il allait apporter son soutien au processus et pourrait considérer un investissement si « certaines conditions étaient réunies ». La semaine dernière, l'administration nigériane encadrant la vente de Nitel avait affirmé que China Unicom faisait bien partie du consortium ayant présenté l'offre de rachat la plus intéressante aux autorités du pays. Ce regroupement d'entreprises, baptisé « New Generation Consortium », aurait offert 2,5 milliards de dollars au gouvernement d'Abuja pour prendre le contrôle de 75 % de Nitel. L'embarras de China Unicom pourrait être lié à la mauvaise réaction des analystes, qui se sont étonnés de l'implication du deuxième plus grand groupe chinois de télécoms dans une opération sensible, sur un marché nigérian réputé peu porteur. Tout en pointant l'étonnant montant de l'offre faite par New Generation Consortium -elle serait 5 fois supérieure aux propositions de plusieurs autres consortiums -, les analystes se sont publiquement interrogés sur les capacités du groupe chinois à financer sa part du contrat, estimée à 20 % du montant total.

Longtemps concentré sur le seul développement d'un réseau de téléphonie mobile, China Unicom doit digérer depuis 2008, dans le cadre d'une grande réforme des télécommunications chinoises, la coûteuse intégration d'un opérateur de ligne fixe (China Netcom) et multiplier les investissements, notamment dans la 3G, pour tenter, comme Pékin le lui a demandé, de se mettre à niveau de China Mobile, le grand leader domestique du secteur. Peu convaincus par la pertinence dans ce contexte d'une aventure africaine, les investisseurs ont sanctionné, depuis lundi, le titre de l'entreprise par une baisse de 2 % à la Bourse de Hong Kong.

Note(s) :

DE NOTRE CORRESPONDANT À PÉKIN.

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mardi 23 février 2010

SPÉCIAL MAGAZINE - Accusé Yuan, levez-vous !

Le Monde - Economie, mardi, 23 février 2010, p. MDE1

La confrontation sino-américaine gagne en intensité. Ventes d'armes à Taïwan, visite du dalaï-lama à Washington : l'administration Obama donne des gages de fermeté à l'égard de Pékin qui, " économiquement, financièrement et politiquement, est la grande gagnante de la crise ", selon l'économiste Marc Touati, directeur général de Global Equities.

L'atelier du monde, n#1 des exportations, est aussi un colosse financier, avec ses 2 400 milliards de dollars (1 800 milliards d'euros) de réserves de change. Et pourtant, sa monnaie, le renminbi (RMB), aussi appelé yuan, n'est pas convertible. Les autorités contrôlent les changes et pilotent étroitement sa valeur. Cela n'empêche pas Pékin de déployer, pas à pas, une diplomatie du yuan, multipliant les accords pour faciliter son usage comme monnaie commerciale. La zone de libre-échange Chine-Asean (Association des nations du Sud-Est asiatique), ouverte en 2010, et l'inauguration prochaine d'un fonds de réserves régional Chine-Japon-Corée du Sud-Asean intensifient ce processus.

Aujourd'hui, les experts s'entendent pour juger le yuan sous-évalué de moitié face au dollar américain, même si leurs analyses du phénomène diffèrent parfois. Pourtant, la Chine a arrêté net, en juillet 2008, la lente réévaluation commencée en 2005 (+ 21 % au total). Elle pourrait reprendre ce mouvement graduel au second semestre. Mais face à une sous-évaluation d'encore 50 %, " une réévaluation de l'ordre de 5 % d'ici à la fin de l'année aurait un impact négligeable ", souligne M. Touati. Pour maintenir un yuan faible et garder son avantage concurrentiel, l'empire du Milieu achète massivement des titres libellés en dollars, finançant la croissance à crédit et les déficits américains. Mais ce déséquilibre, générateur de crises, paraît à bout de souffle.

" Après avoir à nouveau encadré le crédit à partir de la fin 2009 pour freiner la surchauffe de l'économie, la Chine pourrait franchir un pas supplémentaire en reprenant, au second semestre, la réévaluation graduelle du taux de change du yuan. Elle perdrait certes en compétitivité, mais pourrait gagner en influence sur la scène internationale ", ajoute Constance Boublil, analyste risque-pays de Coface.

Mais Pékin entend décider seul de ses intérêts. Or une réévaluation forte et rapide diminuerait d'autant la valeur de ses avoirs en dollars. Et elle pénaliserait d'abord les exportations les plus sensibles aux prix, celles des secteurs intensifs en main-d'oeuvre, comme l'habillement ou le jouet, ce que redoute le régime. Il est donc urgent pour Pékin de ne pas se presser. " Dans une dizaine d'années, explique M. Touati, la Chine pourra libéraliser son système financier, ouvrir ses frontières et rendre le yuan convertible : il serait alors un concurrent sérieux du dollar, ce qui pourrait provoquer une crise majeure aux Etats-Unis. "

Aujourd'hui, le lien yuan-dollar crée de facto une zone monétaire commune dont les déséquilibres et les conflits perturbent ses partenaires. Parmi les grandes devises, note André Cartapanis, professeur à Sciences Po Aix-en-Provence, " on a un triangle infernal entre trois monnaies et un seul taux de change fixe, entre le yuan et le dollar. L'euro est un peu la variable d'ajustement du triangle. " La flexibilisation du régime de change du yuan, préalable au flottement de la monnaie, apporterait un soulagement.

Période de rattrapage

Mais si l'on veut corriger les déséquilibres internationaux actuels - trop de déficits dans le G7, trop d'excédents en Chine -, et assurer une croissance mondiale aux bénéfices partagés, de combien la devise chinoise devrait-elle s'ajuster ? La question provoque encore de savants débats. Dans une note du 28 janvier, " Le RMB chinois est-il vraiment sous-évalué de manière choquante ? ", l'économiste en chef de Natixis, Patrick Artus, écrit d'abord que le yuan est " manifestement sous-évalué (de 50 %) en termes réels, ce qui vient de la politique de stabilisation du taux de change nominal menée par les autorités chinoises avec l'accumulation de réserves de change. Ceci permet à la Chine de gagner d'importantes parts de marché dans le marché mondial. " On pourrait en déduire que la valeur du yuan doit être doublée, option prônée par Antoine Brunet, économiste et président d'AB Marchés.

" Mais dans les périodes de rattrapage, de convergence, les autres pays avaient aussi des monnaies sous-évaluées ", ajoute M. Artus, citant l'Irlande, la Pologne, la Corée et le Japon. " Compte tenu de son revenu par tête, le degré de sous-évaluation réel de la Chine n'a rien d'anormal ", dit-il. Si l'on considère le revenu des populations urbaines plus favorisées, " alors, on trouve une sous-évaluation du RMB - corrigée du niveau de vie - mais qui reste faible (12 %) ", écrit-il.

Cependant, le rattrapage économique suppose aussi celui du niveau de la monnaie et des revenus : la désinflation des biens importés compense l'effet des hausses des salaires sur les prix. Or, en Chine, l'évolution des revenus des ménages n'est pas proportionnelle à la réussite économique du pays : la part des salaires dans le produit intérieur brut (PIB) a reculé depuis 1995, perdant 7 points, pour tomber à 47 % en 2008, selon Natixis. La masse des ruraux pauvres exerce une pression sur les salaires ouvriers. Le régime policier l'accroît. Les droits sociaux et les libertés publiques avancent moins vite que les exportations. Peut-on en déduire que la sous-évaluation du yuan est justifiée ? M. Artus propose lui-même, dans une note du 13 janvier, l'instauration d'un salaire minimum en Chine.

Ce sont surtout les entreprises étrangères qui bénéficient de la faiblesse du yuan et des salaires : elles ont réalisé 56 % des exportations en 2009, selon Natixis.

" La Chine joue les managements des sociétés contre leurs Etats souverains. Quand Wal-Mart approvisionne ses magasins à plus de 50 % en Chine, quand Apple fait fabriquer en Chine tous ses iPod et ses iPhone, cela joue contre la macroéconomie américaine. Ce qui est bon pour Wal-Mart et pour Apple est mauvais pour les Etats-Unis ", analyse M. Brunet.

Enfin, Pékin construit une diplomatie du yuan reflétant ses intérêts actuels - on ne peut acheter que des produits chinois avec un yuan non convertible - et ses ambitions de long terme. Des accords de swaps (d'échanges) permettant d'utiliser le yuan dans des transactions commerciales ont été signés avec Hongkong, la Corée du Sud, la Malaisie, la Biélorussie, l'Indonésie et l'Argentine en 2009.

De plus, l'usage transfrontalier de la devise chinoise, autorisé depuis 2003, se développe avec les entreprises du Laos, du Vietnam, de Mongolie et de Russie, explique Constance Boublil. " En juillet 2009, ajoute-t-elle, la Chine a franchi un pas majeur dans l'internationalisation de sa monnaie en étendant largement cette dérogation. La banque centrale a autorisé les entreprises de cinq villes chinoises - Shanghaï et quatre villes du Guangdong - à régler leurs opérations de commerce extérieur en yuans avec Hongkong, Macao, les pays membres de l'Asean, le Brésil et la Russie. " Dans cinq ans, les contrats en yuans pourraient ainsi représenter 30 % des échanges commerciaux Chine-Asean.

Mais, souligne Mme Boublil, " l'internationalisation progressive du yuan a un effet paradoxal : elle pousse la monnaie chinoise à la hausse, et le dollar, moins demandé, à la baisse. Cela modifie la composition des réserves de change. Plus le yuan est promu, plus la banque centrale de Chine doit acheter des bons du Trésor américain afin d'éviter sa réévaluation. Il serait donc logique que la Chine accepte une appréciation plus importante du yuan et que, à terme, elle rende sa monnaie convertible ". Cela supposerait aussi une réorientation de l'économie - déjà commencée, notamment avec son plan de relance - vers la montée en gamme de ses produits et vers la consommation intérieure. Le danger, c'est que cette marche soit très longue.

En 2009, 56% des exportations chinoises ont été le fait d'entreprises étrangères. Pékin se prépare, à terme, à internationaliser sa monnaie. Le yuan, arme de guerre économique.

Adrien de Tricornot et Marie de Vergès


Excédents

Malgré une phase de lente réévaluation entre 2005 et 2008, la sous-évaluation du yuan face au dollar reste criante. La façon la plus simple pour l'évaluer est de partir du panier de la ménagère, selon la méthode dite des " parités de pouvoir d'achat " : combien de biens et services peuvent être achetés pour une quantité donnée de monnaie dans un pays comparé à un autre. D'autres méthodes existent, dites du " taux de change d'équilibre fondamental " ou " comportemental ", mais leur logique est toujours que la valeur de la monnaie doit varier pour rééquilibrer les économies.

Le yuan faible a aidé la Chine à accumuler des excédents commerciaux croissants depuis son entrée dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Sa production industrielle a explosé. Pour garantir son avantage concurrentiel, elle a contrecarré les pressions à la hausse sur le yuan et à la baisse sur le billet vert, accumulant des actifs financiers en dollars et finançant l'endettement de ses clients et de l'Etat américain. Mais la croissance chinoise a été très mal partagée : la part des salaires dans le produit intérieur brut (PIB) a dégringolé ces dernières années.

La libéralisation des échanges avec l'Asean devrait favoriser l'usage du yuan - Brice Pedroletti

En créant, le 1er janvier, avec les dix pays de l'Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean), la plus vaste zone de libre-échange du monde, la Chine se trouve en position de promouvoir un rôle élargi pour sa devise nationale, le yuan. Cette étape est susceptible de faciliter la réévaluation à petit pas souhaitée par ses dirigeants.

Les programmes lancés en 2009 par Pékin montrent la voie : les exportateurs des provinces du Yunnan et du Guangxi frontaliers du Vietnam, du Laos et de la Birmanie peuvent se faire payer en yuans. Comme les exportateurs de la province du Guangdong avec Hongkong. L'accord de libre-échange à l'étude entre Taïwan et la Chine pourrait conduire à l'adoption de mécanismes de ce type.

Cette régionalisation du rôle du yuan fonctionnerait sans doute ainsi : l'importateur Asean paie avec des yuans achetés auprès de la banque centrale du pays, elle-même bénéficiant de facilités de swaps (produits dérivés financiers) de la part de la banque centrale chinoise. Les importations chinoises se feraient dans la devise du pays de l'Asean concerné.

D'ici à la création d'une véritable zone yuan, il y a toutefois un certain nombre d'inconnues, constate Claude Meyer, professeur d'économie internationale à Sciences Po. Un usage optimal du yuan dans la zone de libre-échange suppose, à terme, une libéralisation des marchés financiers et une levée du contrôle des changes sur les mouvements de capitaux. La Chine, qui limite la convertibilité du yuan aux transactions commerciales, est réticente à franchir cette étape. " Ce n'est pas une priorité pour le pouvoir actuellement. D'une part, la Chine cherche d'abord à stabiliser son économie après la crise (éviter la surchauffe, les bulles, etc.). De l'autre, une libéralisation des mouvements de capitaux entraînerait une appréciation substantielle du yuan en raison de la taille des excédents de sa balance courante ", explique-t-il.

Autre dilemme pour la Chine, une zone yuan " renforcerait son influence stratégique, mais affecterait l'autonomie et l'efficacité de sa politique monétaire et financière. Elle implique en effet que se créent hors de Chine d'importantes balances yuan, susceptibles d'alimenter la spéculation sur les marchés boursier et immobilier chinois ".

L'obstacle japonais

Dernier obstacle, le Japon : " Cela touche à la question de la rivalité Chine-Japon. Le Japon a lancé son propre accord de libre-échange avec l'Asean, dont l'entrée en vigueur s'étale jusqu'en 2012, et qui aura logiquement les mêmes effets de stimulation de l'usage régional du yen, cette fois. Or, cela se fera à plus grande échelle puisque le yen est déjà convertible et détenu par les banques centrales concernées ", fait remarquer M. Meyer, dont le dernier ouvrage, Chine ou Japon : quel leader pour l'Asie ?, qui doit paraître le 25 février aux Presses de Sciences Po, se penche sur les destins des deux premières puissances économiques asiatiques.

L'expérience japonaise est d'autant plus éclairante que le pays était, dans les années 1970-1980, à la place de la Chine d'aujourd'hui : ses excédents commerciaux mettaient en difficulté les économies occidentales. " On était en présence d'une sous-évaluation structurelle du yen, comme c'est le cas pour le yuan depuis 2006. Les Japonais avaient pour atout leur compétitivité technologique et organisationnelle, la Chine, elle, bénéficie de ses faibles coûts de production. Mais c'est une illusion de penser qu'avec une réévaluation du yuan, la balance commerciale des pays occidentaux va fortement s'améliorer ", estime M. Meyer.

La réévaluation du yen imposée par les Etats-Unis en 1985 lors des accords du Plaza (New York) fut une " victoire à la Pyrrhus ", écrit l'économiste, qui était alors directeur adjoint d'une banque japonaise à Paris : " L'effet retard de cette correction brutale sera de plonger le Japon dans une crise profonde, avec des lourdes conséquences non seulement pour le pays, mais aussi pour l'économie mondiale. "

En librairie

La Liquidite Incontrolable, de Patrick Artus et Marie-Paule Virard, à paraître le 26 février, éd. Pearson, coll. " Les temps changent ", 144 p., 18 euros.

La Chine sera-t-elle notre cauchemar ? : Les dégâts du libéral-communisme en Chine et dans le monde, de Philippe Cohen et Luc Richard, 2005, éd. Mille et une nuits, 144 pages, 15 euros.

Sur le Web

" Bonne année 2010 de Pékin : le défi chinois ", post de Georges Ugeux du 4 janvier 2010 sur son blog " Démystifier la finance " : http://finance.blog.lemonde.fr/

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La fin de 2009 et le début d’année 2010 m’ont permis de m’immerger pendant deux semaines en Chine. C’est à la fois troublant et interpellant.

Même si l’étranger est important, ce n’est que dans des lieux et des sphères d’action tres limités que cette présence étrangère se fait sentir. Il faut dire que Shanghai qui vient de franchir le seuil des 20 millions d’habitants cette semaine, n’a qu’1% de sa population qui n’est pas chinoise. Ne surestimons pas notre degré de pénétration de la société chinoise.

2009 a vu un changement de ton dans la diplomatie chinoise qui affecte de nombreux domaines des relations de la Chine avec le monde occidental. Tout d’abord, Jiang Zemin n’est pas Hu Jintao. Ayant eu le privilège de les rencontrer tous les deux, je ne suis pas surpris du durcissement de la position chinoise dans une série de domaines. Autant Jiang Zemin ne manquait ni d’humour ni de sagesse, Hu Jintao est pure politique. Le Président Obama a pris un risque calculé de visiter la Chine dès le début de son mandat. Les Chinois ne l’ont pas accueilli comme il le méritait, voulant marquer leur autonomie dans une série de domaines.

Durant ce séjour en Chine, deux incidents ont encore révélé le gouffre entre l’Occident et la Chine. Le premier est la sentence de 11 ans de prison pour un activiste qui a exprimé ses réserves face au régime de manière totalement non-violente. Comme chaque fois, l’Occident a à juste titre exprimé ses réserves auxquelles la Chine a répondu que c’était une affaire intérieure.

Par contre, l’exécution d’un trafiquant de drogue britannique pris avec plus de 4 kilos d’héroïne était attendue. Si les Chinois exécutent leur ressortissants des qu’ils sont en possession de 50 grammes d’héroïne, et que la Chine maintient la peine mort, pourquoi traiteraient-ils différemment des trafiquants chinois et étrangers?

Les journaux chinois n’ont quasi pas parlé de la première affaire, ils se sont répandus sur la seconde.

Pour comprendre la manière dont la Chine est structurée économiquement, il est essentiel de se souvenir que la Chine a connu sa prospérité par le commerce. C’est la raison pour laquelle les relations politiques chinoises sont constamment influencées par des questions commerciales et l’entrée de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce a été essentielle.

Le rapprochement avec l’Amérique Latine et l’Afrique est de plus en plus évident en matière commerciale, et aura des conséquences politiques profondes sur ces régions du monde. Chaque fois qu’un pays établira une forme directe ou indirecte d’embargo (comme les Etats-Unis l’ont annoncé pour l’acier), ce seront les relations politiques qui prendront un coup de froid. Cette guerre commerciale fait rage.

Ce qui nous interpelle dans ce domaine est quel type d’attitude entendons-nous adopter vis-à-vis de la Chine. Cette dernière est à la fois communiste et centralisée, mais utilise de manière très subtile l’économie de marché dans son propre intérêt. Ceci explique qu’elle soit très libérale dans les transactions internationales, mais très sourcilleuse sur la propriété des entreprises qui touchent de près ou de loin la finance et les ressources naturelles. C’est à travers cette stratégie que la Chine entend assurer son pouvoir économique.

Cet amalgame entre le commerce, la finance et la politique nous force à revoir nos approches politiques traditionnelles. La Chine considère les Etats-Unis à la fois comme un partenaire commercial mais aussi comme un débiteur puisqu’elle est son premier créancier. Les Etats-Unis s’obstinent à vouloir négocier séparément les deux aspects de sa relation économique et d’ignorer l’impact négatif du cours du dollar. Inutile de dire que cela rend inefficacetout appel au renforcement du Yuan par les Etats-Unis.

L’Europe dans ce domaine n’existe pas dans la mesure où ses relations extérieures sont à la fois nationales, et empreintes de concurrence interne. C’est donc à travers des accords individuels avec les pays membres de l’Europe que la Chine manipule le continent européen. Que ce soient les droits de l’homme, le Tibet, ou les accords commerciaux, chacun des grands pays européens a ses positions et elles ne sont pas coordonnees.

Cela ne rend pas pour autant la Chine invulnérable. L’annonce du besoin de fonds propres additionnels par les banques chinoises répond à une impulsion du gouvernement chinois qui leur demande de continuer à prêter aux entreprises et aux particuliers. Il s’agit de dizaines de milliards de dollars. Cinq banques chinoises figurent dans les 25 banques les plus importantes du monde. C’est une banque chinoise qui est au sommet des capitalisations boursières mondiales : ICBC a une capitalisation boursière de $ 300 milliards, $ 11.000 milliards de dollars d’actifs, 18.000 succursales et 600 présences en dehors de Chine. Il ne fait aucun doute que le gouvernement prendra les mesures qui permettent à ces banques de continuer à croitre.

La Chine continue à donner une image moderne et efficiente d’elle-même. Les Jeux Olympiques en ont été la démonstration. Mais afin de parvenir à une croissance maitrisée et efficace, elle a besoin de technologie et de connaissances qui ne peuvent venir pour le moment que de l’Occident. Cette monnaie d’échange dans le commerce international doit être utilisée stratégiquement : n’oublions pas que les Chinois sont les maitres de la copie et peu scrupuleux en matière de propriété intellectuelle.

La leçon est claire : il faut aborder la Chine avec une grande vigilance, mais aussi en sachant clairement quels sont les objectifs poursuivis dans les divers domaines et décider quelles sont les priorités devant la complexité des objectifs poursuivis.

C’est également dans ce contexte que nous nous sommes lourdement trompés sur la manière dont la Chine approchait le sommet de Copenhague. Les Chinois ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas d’obligations contraignantes, ne signeraient pas un vrai contrat et ont envoyé des négociateurs de niveau inferieur. Le Premier chinois n’a voulu traiter qu’avec Barack Obama qui a obtenu la signature de l’accord intervenu le dernier jour. Cela ne veut pas dire qu’elle ignore l’environnement. Mais la gravité de sa situation en matière d’environnement impose des mesures fondamentales qu’elle a décidé de mettre en application comme elle l’entend.

Sans cet exercice difficile, la Chine continuera à utiliser subtilement son pouvoir commercial pour imposer son pouvoir politique. La plus grande erreur que nous puissions commettre est de sous-estimer ce pouvoir.

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M.-C. Bergère : " En Chine, le capitalisme alliait entreprises et Etat dès le XIXe siècle "

Le Monde - Economie, mardi, 23 février 2010, p. MDE5

Comment le capitalisme chinois s'est-il développé historiquement ?

Ce capitalisme hybride est l'héritier de trois traditions. Tout d'abord celle, très ancienne, du capitalisme commercial qui existait en Chine du XVIe au XVIIIe siècle. La deuxième tradition remonte à l'ouverture forcée de la Chine dans les années 1860-1870, avec le développement de l'interventionnisme étatique. Enfin, le capitalisme chinois actuel est aussi issu du régime maoïste et de son économie dirigée.

Que reste-t-il aujourd'hui des structures qui précédaient l'arrivée des Occidentaux au XIXe siècle ?

Ce qui persiste depuis l'époque la plus ancienne, celle du capitalisme commercial, c'est l'importance des solidarités familiales, régionales, des clans, des réseaux, des transactions informelles. Cela se retrouve dans toute l'activité économique chinoise, et particulièrement dans le secteur des petites et moyennes entreprises (PME). Faute d'accès au crédit bancaire, elles se financent généralement par leur réseau de relations, grâce à des prêts informels ou des tontines. On retrouve aussi cette tradition dans l'importance de l'oralité par rapport au contrat écrit.


L'implication de l'Etat dans l'économie est-elle un héritage du communisme ?

Non, le capitalisme chinois alliait entreprises et Etat dès le milieu du XIXe siècle : les marchands, enrichis par le commerce avec les étrangers, ont commencé à s'associer avec les gouverneurs de régions dans des entreprises mixtes. Les marchands assuraient le financement et la gestion, les hauts fonctionnaires fournissaient le patronage politique, obtenant auprès des autorités centrales des monopoles, des concessions, des exemptions de taxes... On retrouve cette association entre cadres administratifs et entrepreneurs privés dans le modèle actuel.

A cette tradition est venu s'ajouter l'héritage du régime maoïste. La réforme commencée dans les années 1980 a été très progressive. On a d'abord rendu aux entreprises leur autonomie de gestion, puis l'Etat s'est plus ou moins retiré du capital selon les situations. Certaines sont restées publiques, d'autres non, certaines ont été louées. Les statuts sont extrêmement flous.

Ni capitalisme d'Etat ni capitalisme privé tel qu'il s'est développé en Occident, le capitalisme chinois est avant tout bureaucratique. Il est impossible de développer son entreprise sans accord avec la bureaucratie pour avoir accès aux marchés de capitaux ou aux crédits bancaires, par exemple. En Chine, la maîtrise d'un réseau de relations est plus importante que la possession du capital. Les entrepreneurs privés sont appelés à violer régulièrement la légalité - soit qu'ils ne paient pas les impôts, n'appliquent pas les règlements sociaux, ne respectent pas la propriété intellectuelle... S'ils deviennent trop importants ou s'ils ne sont pas assez dociles, l'Etat peut très facilement les faire tomber. Les entrepreneurs ne forment pas une bourgeoisie conquérante, qui va revendiquer des droits, mais bien une bourgeoisie consentante, qui a les mêmes objectifs que le pouvoir, à savoir croissance économique et stabilité sociale.

La mondialisation, les entreprises étrangères qui s'implantent en Chine, l'internationalisation des entreprises chinoises, la formation des élites chinoises à l'étranger ne mettent-elles pas en cause ces particularités ?

C'est ce que disent beaucoup d'observateurs. Selon les néolibéraux, la croissance du capitalisme chinois l'amènera à converger avec les " normes universelles " du capitalisme - et même à déboucher sur la démocratie. Je ne le crois pas.

Les particularités chinoises sont bien incrustées. Les grandes entreprises ont des capitaux publics et des cadres venus du parti. Elles ne volent de leurs propres ailes que du point de vue de la gestion. L'influence des entreprises étrangères, en dehors des transferts technologiques et financiers, est limitée. Celles qui réussissent le mieux sont celles qui acceptent la coopération imposée par les Chinois. Quant aux jeunes formés à l'étranger, ils amènent des éléments nouveaux, certes, mais ils doivent respecter les normes culturelles, telles que la solidarité familiale. C'est une société qui n'est pas aussi proche de l'Occident que pourraient le faire croire ses gratte-ciel !

Propos recueillis par Sébastien Dumoulin

Marie-Claire Bergère

2007 Marie-Claire Bergère publie Capitalismes et capitalistes en Chine (éd. Perrin).

1978 Directrice d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

1974 Professeure de civilisation chinoise à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).

© 2010 SA Le Monde. Tous droits réservés.

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Le marché se prépare à une appréciation du yuan - Isabelle Couet

Les Echos, no. 20621 - Marchés, mardi, 23 février 2010, p. 29

La spéculation sur une réévaluation du yuan s'intensifie. Un retour à un régime de change plus flexible pourrait se faire dans les prochains mois. Une hausse de la devise chinoise permettrait de contenir l'inflation.

Officiellement, la Chine défend toujours la stabilité de sa devise. Pourtant, une réévaluation du yuan dans les prochains mois semble de plus en probable. Sur le marché des changes, après déjà plusieurs jours de fluctuations assez fortes, celui-ci a grimpé de 0,1 % hier, sa plus forte hausse depuis un peu plus d'un an. Le yuan se traitait à 6,8264 contre le dollar lundi.

Les signaux d'un futur assouplissement du régime de change chinois se multiplient. Le resserrement des conditions de crédit initié cette année a envoyé un message fort en ce sens, d'après les spécialistes. Le pays qui pourrait enregistrer une croissance économique supérieure à 10 % cette année, commence en effet à s'inquiéter des pressions inflationnistes.

Or la Chine, du fait de l'arrimage de sa devise à un panier de monnaies, dans lequel le billet vert est dominant - le yuan doit fluctuer dans un couloir de 0,5 % au-dessus ou en dessous du taux de change central fixé par les autorités -, importe en quelque sorte à la politique de taux américaine. La présidente de la Fed de San Francisco faisait remarquer dans une récente étude que la politique monétaire des Etats-Unis, où le loyer de l'argent est à 0 %, « risquait d'être excessivement stimulante » pour la Chine. Elle en déduisait que le géant d'Asie devrait modifier sa politique de changes pour échapper à la menace de surchauffe et d'inflation. Par ailleurs, l'amélioration des exportations rend moins nécessaire de stabiliser le yuan pour maintenir sa compétitivité, comme le fait Pékin depuis juillet 2008.

« Surprendre le marché »

« Le récent mouvement de resserrement des conditions monétaires plaide pour une réévaluation du yuan dès le deuxième trimestre », estime Richard Yetsenga, chez HSBC en Asie. Stephen Jen, ancien de Morgan Stanley, désormais chez BlueGold Capital Management, pense que la Chine peut désormais agir en mars ou en avril. « Elle va certainement chercher à surprendre le marché en réintroduisant une certaine flexibilité plus tôt que l'on ne croit », assure-t-il. Le spécialiste des changes se souvient que Pékin avait déjà procédé de la sorte en 2005, en laissant le yuan s'apprécier à partir de juillet, alors que le Trésor américain annonçait qu'un geste était probable en août.

Selon Stephen Jen, les autorités chinoises pourraient d'abord réévaluer leur monnaie de 5 % et adopter un système de changes comme celui de Singapour, en indexant le yuan à un panier de devises, avec une marge de fluctuation de 10 %, voire 15 %. « La Chine a plutôt intérêt à réévaluer assez fortement le yuan en une seule fois, en le laissant grimper de 5-10 %, pour éviter que l'on ne croie à un mouvement graduel, prévisible, qui inciterait les capitaux spéculatifs à entrer dans le pays », affirme David Deddouche, chez Société Générale.

L'afflux de fonds investis à très court terme (« hot money ») est en effet l'une des principales menaces en cas de retour à un régime de change plus flexible. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le stratège de BlueGold considère que le rebond du dollar offre une opportunité aux Chinois : s'ils laissent maintenant leur devise s'apprécier, ils minimisent le mouvement entre dollar et yuan et donc découragent les capitaux spéculatifs. L'indexation à un panier de monnaies, dont la composition n'est pas publiée, donc inconnue des spéculateurs, permet aussi, selon certains spécialistes, de limiter l'afflux de « hot money ».

Une appréciation de la devise chinoise aurait des conséquences sur toute la région. Les monnaies du Sud-Est asiatique devraient s'apprécier aussi. Pour cause, les économies voisines de la Chine seront libérées du risque de perte de compétitivité par rapport à leur principal partenaire. En outre, comme ces pays font face à un risque inflationniste, une hausse de leur change peut les soulager.

L'impact sur le dollar et l'euro est difficile à prédire. Pour David Deddouche, cela devrait être favorable au billet vert et négatif pour la monnaie unique. Le raisonnement est le suivant : la réévaluation du yuan devrait limiter l'accumulation des réserves de change et donc le mouvement de diversification déjà observé, du dollar vers l'euro. « Plus généralement, une source de liquidité mondiale pourrait ainsi se tarir et dégonfler le prix des actifs comme les matières premières », avance le stratège.

ISABELLE COUET

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ANALYSE - Taïwan, l'île de la discorde - Arnaud de la Grange

Le Figaro, no. 20392 - Le Figaro, mardi, 23 février 2010, p. 2

Toujours visée par 1 500 missiles chinois, cette ancienne « terre interdite » joue un rôle moteur dans le développement économique de la République populaire. Les récentes ventes d'armes américaines ont tendu les relations entre Washington et Pékin, mais n'ont pas entamé l'interdépendance croissante entre les « deux Chine ».

Il y a quelque chose d'un tourisme de « l'au-delà du rideau », dans ces groupes de Chinois continentaux qui se pressent désormais à Taïwan. Bien sûr, le jeune cadre de Pékin, ou le retraité du Zhejiang, vient ici attiré par la beauté sauvage des falaises battues par la houle du Pacifique. Ou par le Musée de Taïpeh, qui héberge la plus fabuleuse collection d'art de l'histoire chinoise. Mais il est peut-être aussi curieux de rivages que des proches, des voisins, peuvent avoir gagnés en 1949, dans les bagages de l'armée défaite du Guomindang. Curieux de cette île rebelle que Pékin considère comme l'une de ses provinces, terre interdite jusqu'en juin 2008. L'année dernière, ils sont plus de 600 000 à avoir fait le voyage de la République populaire de Chine vers la République de Chine.

À la sortie du musée, un touriste continental montre du doigt à sa femme un immense panneau représentant une belle jeune femme assise en tailleur, les yeux clos, en pleine méditation. Une affiche du mouvement spirituel Falun Gong, bête noire de Pékin, interdit en 1999. Ils semblent ahuris par telle subversive publicité étalée au grand jour. Les autres membres du groupe lèvent aussi la tête. Brandissant son petit drapeau, le guide leur fait presser le pas. À l'aéroport, avant de passer les contrôles pour reprendre un vol sur Pékin, d'autres visiteurs prennent en photo leur permis de visiter Taïwan. Un souvenir pour l'histoire.

Si elle témoigne du spectaculaire réchauffement entre Pékin et Taïpeh, cette diplomatie des tour-opérateurs s'effectue encore sous un étrange ciel. Car ces joyeux touristes de Chine populaire abordent une terre sur laquelle sont encore pointés 1 500 missiles de leur propre armée. Les deux rives, officiellement, sont toujours en guerre. Et Pékin menace d'intervenir militairement s'il prenait aux insulaires l'envie de déclarer leur indépendance. Une situation que le dernier accrochage sino-américain sur de nouvelles ventes d'armes à Taïwan est venu rappeler au monde. L'Administration Obama a donné son feu vert pour un paquet de 6,4 milliards de dollars, comprenant 60 hélicoptères Black Hawk et 114 systèmes antimissiles Patriot. Pékin a réagi de manière plus virulente qu'à l'habitude, suspendant classiquement les relations militaires avec Washington, mais annonçant de manière plus inédite des sanctions contre les entreprises américaines concernées.

Des armes « purement défensives »

Taïwan a-t-elle réellement besoin de ces nouveaux armements? Militairement, le déséquilibre ne cesse de s'accroître, avec la volontaire modernisation de l'Armée populaire de libération depuis une décennie. Chercheur au Chinese Council of Advanced Policy Studies (Caps), Arthur S. Ding estime que la balance s'est inversée au profit de la Chine aux alentours de 2005. « Taïwan a longtemps compensé le déficit en nombre par la technologie, notamment par la supériorité aérienne, explique-t-il. Mais, dans l'esprit des Taïwanais comme des Américains, il ne s'agit plus d'arriver à un équilibre stricto sensu, mais d'entretenir certaines capacités donnant un coût à toute aventure militaire. »

Le Taiwan Relations Act de 1979 fixe comme devoir à Washington de fournir des armes défensives à l'île insoumise, de l'aider à « maintenir une capacité » de résistance. Voilà pour la lettre. Dans l'esprit, les Américains ont toujours laissé entendre qu'ils feraient donner la VIIe flotte en cas de tentative de réunification par la force. « Ils font attention à retirer de la liste d'achats taïwanaise ce qui fâcherait trop Pékin, comme les chasseurs F16, poursuit Arthur Ding. Les armes en question aujourd'hui sont, comme en 2008, purement défensives. » Taïpeh vient cependant de réaffirmer qu'elle voulait se doter d'armements supplémentaires. Notamment des versions modernisées, C et D, du chasseur F16, que Washington se refuse à valider pour l'instant. « Ces avions peuvent avoir une connotation plus offensive », reconnaît Cheng-Yi Lin, directeur du Center for Asia-Pacific Area Studies, qui n'exclut cependant pas « qu'Obama finisse par accepter, à l'occasion de la campagne de 2012 ou lors d'un éventuel deuxième mandat ». Pour Pékin, la pilule F16, par sa charge symbolique, passerait très mal. Taïwan a aussi un temps demandé huit sous-marins diesels, mais le consensus intérieur sur ces engins - que par ailleurs les États-Unis ne fabriquent plus - est aujourd'hui moins évident.

La dimension « psychologique » est primordiale. Le président taïwanais, Ma Ying-jeou, a lui-même déclaré que ces armes aideraient l'île à se sentir « plus confiante et plus sécurisée », pour aller plus loin dans les relations avec la Chine. « La Chine a plus d'un millier de missiles braqués sur Taïwan et n'affiche aucune volonté de réduire cet arsenal », a redit Lin Yu-fang, membre de la commission de la défense et des affaires étrangères. Vue de Washington, la décision dépasse la question taïwanaise. À l'heure où la Chine lui dispute l'hégémonie dans la région, l'Amérique veut montrer qu'elle ne s'en désengage pas. Un signal envoyé à ses alliés japonais et sud-coréen, mais aussi aux pays d'Asie du Sud-Est.

À Taïwan, on a bien constaté que l'ire chinoise était montée en gamme. Mais noté avec plaisir que les flèches de Pékin se concentraient sur Washington, sans tenir ouvertement rigueur à l'île d'avoir passé commande. La Chine n'a, il est vrai, aucun intérêt à fragiliser un peu plus le président Ma Ying-jeou, son grand partenaire pour le rapprochement. Depuis l'arrivée au pouvoir de cet homme issu du Guomindang (KMT) en mai 2008, après la présidence du « pro-indépendantiste » Chen Shui-bian, le spectaculaire réchauffement s'est traduit par toute une série d'accords, dont l'établissement de liaisons aériennes et maritimes directes entre le continent et l'île. « Je ne crois pas que ces ventes d'armes auront un impact négatif sur le dialogue interdétroit, qui a sa propre logique », estime I-Hsin Chen, de la Foundation on Asia-Pacific Studies.

Intégration économique

L'étape suivante, la grande affaire du moment, c'est l'Ecfa, un accord-cadre de coopération économique qui doit réduire les barrières douanières entre l'île et le continent. « C'est vital. Il y a de plus en plus d'accords de libre-échange signés dans la région, comme celui entre l'Asean et la Chine, ou ceux concernant la Corée, explique Joseph S. C. Hua, directeur adjoint de la planification au Mainland Affairs Council, qui gère la relation avec Pékin. On ne peut rester à l'écart de cette intégration économique. » Au-delà du commerce avec le continent, Taïwan espère que cette avancée incitera la Chine à ne plus se dresser contre les accords de libre-échange qu'elle veut passer avec le Japon, l'Asean et d'autres pays par la suite.

De facto, Taïwan est déjà très dépendante de la Chine. Pékin a absorbé 40 % de ses exportations en 2008, et près de 60 % des investissements taïwanais cumulés. Quelque 95 % des fameux ordinateurs taïwanais sont désormais fabriqués sur le continent, où plus d'un million et demi d'expatriés sont déployés. « Il ne faut pas oublier que ce sont les Taïwanais qui ont fait démarrer l'économie chinoise, commente un observateur, et ils sont encore derrière 30 % des exportations chinoises. » Leurs activités sur le continent feraient d'ailleurs vivre 23 millions de Chinois, soit autant que toute la population taïwanaise réunie! Le revers de la médaille, c'est que Taïwan, déjà en concurrence avec la dynamique Corée du Sud, se trouve aujourd'hui sous la pression d'entreprises chinoises qui se sont émancipées. Et si les années 1990 furent euphoriques sur le plan économique, l'heure est moins gaie aujourd'hui. Les prévisions de croissance pour 2010 - autour de 4,5 % - n'ont rien de tragique, mais une sourde inquiétude pointe dans une île où la consommation intérieure est faiblarde.

Le maintien du statu quo

Le camp « vert » du DPP (Parti démocrate progressiste) accuse Ma de brader la souveraineté de Taïwan. Et dénonce une « finlandisation », ou tout au moins une « hongkongisation » de l'île, en faisant allusion à une autocensure de plus en plus complaisante vis-à-vis de Pékin. La popularité du président, élu avec un score record en 2008, ne cesse de s'effriter. Ma Ying-jeou paye pêle-mêle une mauvaise gestion des secours après le dévastateur typhon Morakot, en août dernier, un accord sur les importations de boeuf américain et une gouvernance opaque. Une partie croissante de la population lui reproche d'aller trop vite avec Pékin, et sans transparence. Un revers relatif à des élections locales fin 2009 a illustré cette mauvaise passe pour les « bleus » du KMT. Même si ses adversaires du DPP n'ont pas de dirigeant charismatique et sont encore plombés par les affaires de corruption de Chen. En dehors de franges radicales (10 % d'indépendantistes et 10 % de « réunionistes » convaincus, à grands traits), le reste de la population taïwanaise est peu ou prou en faveur du maintien du statu quo actuel. Et attachée à une identité propre bien réelle, comme à ce qui la distingue du continent : le suffrage universel, la séparation des pouvoirs et les libertés civiles. Certains tentent d'imaginer une sorte de « Commonwealth » chinois...

Ici, l'on sait que les deux années qui viennent seront déterminantes. Si, en 2012, le pouvoir repasse dans le camp du DPP, même calmé dans ses ardeurs provocatrices, toute la stratégie de rapprochement de la Chine sera remise en cause. « Il est clair que Pékin utilise l'Ecfa comme une arme, pour forcer Ma à faire un compromis politique, estime Lai I-chung, du Taiwan Thinktank, proche du DPP. Avant de passer la main en 2012, le président Hu Jintao voudrait faire accepter un »cadre irréversible* de marche vers le concept d'»une Chine* au sens où l'entend Pékin. » Les plus audacieux prêtent même aux présidents Hu Jintao et Ma Ying-jeou la volonté d'avancer assez vite sur le terrain politique pour signer un traité de paix... et viser un prix Nobel de la paix commun en 2012!

PHOTO - 1-Soldiers drive their military vehicles past Taiwan flags during an army exercise in Hsinchu, central Taiwan January 27, 2010. The U.S. and China are currently at odds over an arms sales to Taiwan, according to local media.

2-U.S. Marines Mark Sashegyi (L) from Miami, Florida and David Hernandez from San Antonio, Texas, chat as they patrol onboard the U.S. aircraft carrier USS Nimitz, upon its arrival in Hong Kong February 17, 2010. The U.S. aircraft carrier USS Nimitz sailed into Hong Kong on schedule on Wednesday despite a Chinese pledge to suspend military exchanges with the United States after its announced arms sales to Taiwan.

3-Soldiers drive their CM21A1 armoured infantry fighting vehicle during an army exercise in Hsinchu, central Taiwan January 27, 2010. The U.S. and China are currently at odds over an arms sales to Taiwan, according to local media.

4-Paramilitary policemen practise during a daily training session at the Forbidden City in Beijing February 1, 2010. The military balance between China and Taiwan has rapidly shifted in China's favor, but a U.S. proposal on Friday to sell advanced arms to the island that Beijing claims as its own would shore up its self-defense.

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